Détachement des salariés étrangers en France : la responsabilité du donneur d’ordres français

17.05.16  
Salarié détaché en France
Détachement des salariés étrangers en France : la responsabilité du donneur d’ordres français
Salarié détaché en France

Les nouvelles conditions du détachement de travailleurs étrangers en France

Le détachement de salariés étrangers en France est une pratique très courante sur le marché du travail. Elle est parfois considérée politiquement aux yeux de certains comme un frein à l’emploi des salariés français. Les pouvoirs publics ont donc décidé de lutter contre la fraude au détachement en renforçant le régime du détachement par de nouvelles réglementations entrées en vigueur entre 2015 et 2016. L’objectif premier de ces nouvelles dispositions est de favoriser l’emploi des salariés français tout en assurant le respect des droits sociaux fondamentaux des salariés étrangers détachés sur le sol français.

Le Gouvernement a ainsi mis en place à ce sujet trois décrets d’application :

Une obligation de vigilance renforcée à la charge du donneur d’ordre chez qui travaillent des salariés détachés

Avant l’adoption des nouvelles dispositions sur le détachement, une obligation de vigilance existait dans les textes à l’encontre non seulement de l’employeur mais aussi du donneur d’ordre (article L. 8222-1 Code du travail). Jugeant que les fraudes au détachement étaient encore trop courantes, le législateur a tenté de remédier à ce problème en alourdissant considérablement les obligations incombant à l’employeur détachant des salariés mais également au donneur d’ordre.

Ainsi, le nouvel article D. 8222-7 du Code du travail prévoit que si le co-contractant n’est pas établi en France, le donneur d’ordre a pour obligation de requérir auprès de ce dernier les documents cités par cet article D. 8222-7 du Code du travail. Ces documents doivent en outre être traduits en français.

Une plus grande fermeté des juges français dans les sanctions civiles dans le détachement frauduleux de salariés

Dans la droite ligne de la législation en la matière, la Cour de cassation fait preuve d’une plus grande fermeté à l’encontre des manquements à l’obligation de vigilance. Dans son arrêt d’Assemblée Plénière du 6 novembre 2015, la Cour déclare que le donneur d’ordre encourt une solidarité financière avec son cocontractant si ce dernier n’a pas rempli et renvoyé à l’administration le formulaire administratif préalable au détachement. La Cour estime en effet que le donneur d’ordre a de ce fait manqué à son devoir de vigilance, devoir renforcé par la loi Macron du 6 août 2015.

Des obligations déclaratives renforcées pour l’employeur étranger du salarié détaché

Le donneur d'ordre vérifie les déclarations de détachement

L’entreprise étrangère détachant des salariés en France se voit désormais soumise à de nouvelles obligations déclaratives. Avant le début du détachement, l’employeur étranger doit fournir les informations permettant l’identification de ses salariés détachés à l’inspection du travail territorialement compétente. Il doit par ailleurs désigner un représentant en France de son entreprise étrangère. Il sera chargé d’assurer la liaison avec l’Inspection du travail et les autres services compétents pendant la durée de la prestation en France.

Par ailleurs, l’employeur doit tenir à la disposition de l’Inspection du travail de nombreux documents pendant toute la durée du détachement. Il incombe désormais au donneur d’ordre de vérifier que l’employeur étranger a bien rempli ses obligations déclaratives. Le donneur d’ordre sera considéré comme ayant procédé à cette vérification s’il se fait remettre un certain nombre des documents déclaratifs (dont notamment la déclaration de détachement) par l’employeur.

A défaut de s’être fait remettre par son cocontractant une copie de la déclaration de détachement, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre adresse, dans les quarante huit heures suivant le début du détachement, une déclaration à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation. En cas de manquement à ces obligations déclaratives, une amende élevée peut être due.

Un devoir d’injonction étendu pour l’Administration pour protéger le salarié détaché en France

L’administration se voit octroyer par le décret du 19 janvier 2016 un devoir d’injonction étendu. Lorsque l’inspection du travail constate :

  • un manquement grave aux dispositions relatives au salaire minimum de croissance, au repos quotidien et hebdomadaire, à la durée quotidienne ou hebdomadaire maximale de travail ou à la tenue de documents permettant le contrôle du respect de ces obligations ou
  • des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine,

elle enjoint dans un premier temps l’employeur de régulariser ces situations. Le donneur d’ordre est informé des infractions commises. Si l’employeur ne répond pas dans un délai de 3 jours, l’administration a tous pouvoirs pour sanctionner l’employeur.

En cas de constat de non paiement, total ou partiel, du salaire minimum ou conventionnel dû aux salariés et après mise en demeure de régularisation sous 7 jours par l’administration, le donneur d’ordre pourra être tenu solidairement avec l’employeur au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues s’il ne dénonce pas le contrat de prestation de services.

Le recours aux services de travailleurs étrangers détachés impose donc la vérification que les cocontractants remplissent bien à tout moment l’ensemble de leurs obligations déclaratives.

Il est ainsi de plus en plus important d’être vigilant sur la réglementation lorsque l’on est un simple donneur d’ordre face à un prestataire qui détache des salariés étrangers en France pour la réalisation de cette prestation. Se contenter de faire confiance au prestataire est une stratégie dangereuse.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photos: kozini, Andrey Popov

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