L’AGS en France et la garantie des salaires

12.09.24  
ags garantie salaires
L’AGS en France et la garantie des salaires
ags garantie salaires

Qu’est-ce que l’AGS ?

L’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salaires (AGS) permet de garantir le paiement de certaines sommes dues aux salariés en cas de défaillance de l’employeur, à savoir de procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Ce système permet aux salariés de récupérer des sommes qui seraient normalement soumises aux aléas de la déclaration de créance et le plus souvent irrécupérables. Elle est l’équivalent du « Insolvenzgeld » en Allemagne.

Qui finance l’AGS ?

Les employeurs

Ce sont les contributions versées par les employeurs du secteur privé (quelle que soit sa forme juridique) relevant du régime général de la Sécurité Sociale qui financent le régime de garantie des salaires. Il s’agit d’une contribution obligatoire recouvrée par l’Urssaf., l’organisme français qui collecte les cotisations sociales.  Elle n’est due que par les employeurs et non par les salariés.

Base légale

Cela ressort de l’article L. 3253-6 du Code du travail : « Tout employeur de droit privé assure ses salariés, y compris ceux détachés à l’étranger ou expatriés mentionnés à l’article L. 5422-13, contre le risque de non-paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ».

La cotisation AGS est actuellement fixée à 0,25% du salaire. Elle est régulièrement réévaluée.

Qui bénéficie de l’AGS ?

Tous les salariés exerçant habituellement leur travail en France peuvent bénéficier de la garantie des AGS y compris les salariés expatriés ou détachés qui travaillent en France, ainsi que les intérimaires et apprentis.

La garantie est assurée peu importe l’ancienneté du salarié et donc dès le début de la relation de travail.

A noter : Les mandataires sociaux ne sont pas bénéficiaires de l’AGS.

Le salarié d’un employeur allemand a-t-il aussi droit aux AGS ?

Depuis la tentative d’harmonisation au niveau européen accélérée par l’adoption de la directive 2008/94/CE, la procédure est quasiment la même pour les salariés ayant travaillé en France pour une entreprise établie dans un autre pays de l’UE :

  • Le syndic étranger équivalent au mandataire judiciaire doit établir le relevé de créances dans les mêmes conditions en précisant le montant des cotisations et contributions et doit préparer le dossier des salariés concernés (article L. 3253-18-1 et suivants du Code du travail) et l’adresser à l’AGS en France;
  • Il doit également fournir une attestation sur l’honneur indiquant que l’entreprise concernée n’a pas les fonds disponibles pour payer les créances salariales. Cela permet aux salariés français d’une entreprise basée dans un autre Etat membre de ne pas être trop sanctionné par la différence de législations;
  • Il est souvent nécessaire de se rapprocher du cabinet comptable compétent qui s’occupait de l’entreprise faisant l’objet de la procédure collective qui pourra apporter son aide pour rassembler les documents nécessaires au traitement du dossier des salariés français;
  • L’aide d’un cabinet d’avocats s’avère aussi utile car il est souvent difficile de faire intervenir l’AGS dans un contexte transfrontalier où la connaissance du droit français du travail et du droit allemand de la procédure collective sont nécessaires. L’avocat franco-allemand est l’interlocuteur du mandataire allemand et des AGS en France.

Quelles sont les conditions pour recevoir les AGS ?

L’AGS intervient quand deux conditions sont réunies :

  • L’employeur fait l’objet d’une procédure collective, à savoir de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ;
  • L’employeur n’a pas de fonds disponibles pour payer les sommes dues aux salariés.

En cas de sauvegarde, l’entreprise n’est pas encore en cessation des paiements et doit évidemment prouver de manière très circonstanciée qu’elle ne peut pas payer les créances salariales. Cela ressort de la jurisprudence constante.

Il est important de retenir que l’AGS intervient toujours à titre subsidiaire et donc s’il n’existe aucun autre dispositif pouvant prendre en charge les sommes dues aux salariés.

Comment demander l’intervention de l’AGS ?

A qui ?

Les salariés ne s’adressent pas directement à l’AGS. En revanche, ils peuvent demander que les sommes impayées soient inscrites sur un relevé de créances salariales établi par le mandataire judiciaire désigné par le tribunal de commerce. Le mandataire judiciaire représente les créanciers et il est l’interlocuteur officiel.

Les étapes

  1. Le mandataire judiciaire vérifie puis inscrit les créances salariales réclamées sur le relevé de créances salariales
  2. Le mandataire judiciaire vérifie les créances et confirme que l’entreprise ne dispose pas des fonds disponibles.
  3. Il fournit au centre de gestion et d’étude AGS (CGEA) le relevé de créances.
  4. L’AGS vérifie si le dossier est complet et si non, demande des compléments de documents et informations.
  5. L’AGS avance aux salariés leurs créances.
  6. L’AGS peut se retourner ensuite contre l’employeur s’il a a reçu des fonds entre temps et l’AGS devient alors créancière à la procédure collective.

Délais pour déclarer les créances aux AGS

Comme précisé ci-dessus, les salariés ne s’adressent pas directement à l’AGS tout simplement car les créances salariales ne sont pas soumises au régime classique de la déclaration de créances. En revanche, les salariés peuvent demander au mandataire désigné d’intégrer leurs créances dans le relevé de créances qu’il fournira lui-même à l’AGS.

Dans le cas d’une situation franco-française, les délais pour le mandataire social sont très courts :

  • Il doit établir dans les 10 jours du prononcé du jugement d’ouverture de la procédure le relevé de créances concernées par le super privilège (notamment rémunérations de toute nature dues pour les 60 derniers jours de travail et indemnités de congés payés) ;
  • Il doit établir dans les 3 mois du jugement le relevé des autres créances salariales et accessoires exigibles au jour de la date du jugement d’ouverture.

Quelles sont les créances des salariés prises en charge par l’AGS ?

Les créances listées par la loi

Plusieurs sommes peuvent être prises en charge et le régime change selon la procédure collective concernée, mais en règle générale l’AGS ne couvre pas toutes les créances du salarié.

Voici un aperçu des sommes pouvant être prises en charge sans que cetteliste ne soit exhaustive :

  • Salaires;
  • indemnité compensatrices de préavis ;
  • indemnité de licenciement ;
  • indemnité compensatrice de congés payés ;
  • participation ;
  • intéressement
  • rémunération variable ;
  • bonus ;
  • frais professionnels ;
  • sommes dues au titre du CSP (contrat de sécurisation professionnelle) ;
  • mesures d’accompagnement résultant d’un PSE ;
  • dans certains cas dommages et intérêts (notamment en cas d’inexécution par l’employeur de ses obligations, accepté par la jurisprudence) et indemnité pour licenciement abusif.

Il est néanmoins compliqué d’obtenir certaines de ces sommes et il faut avoir un dossier solide et très complet.

Particularités selon le type de procédure collective

Procédure de sauvegarde 

L’AGS garantit seulement les indemnités de rupture des salariés licenciés pour motif économique pendant la période d’observation (6 mois, renouvelable une fois) ou pendant le mois suivant l’arrêté du plan de sauvegarde. L’AGS ne prend pas en charge les salaires dues à la juge du jugement d’ouverture.

Procédure de redressement judiciaire

L’AGS prend en charge les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement au cours des 60 derniers jours de travail ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant pendant la période d’observation ou pendant le mois suivant l’arrêté du plan de sauvegarde.

Procédure de liquidation judiciaire

L’AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de la liquidation dans la limite de 45 jours ainsi que les sommes dues en exécution du contrat de travail au cours de la période d’observation et les créances résultant de la rupture du contrat de travail dans les 15 jours suivant le jugement de placement en liquidation.

Dans le cas spécifique d’une liquidation d’office : l’AGS prend en charge les sommes dues aux salariés dans la limite d’un montant maximal de 1 mois et demi de salaire ainsi que les créances résultant de la rupture du contrat de travail dans les 15 jours suivant le jugement de placement en liquidation.

Cas de refus de prise en charge des AGS

Formalisme du relevé de créance du mandataire judiciaire

Sans la déclaration de créances établie par le mandataire judiciaire, l’AGS peut refuser toute prise en charge. C’est ce relevé de créances qui débloque les fonds de l’AGS. De plus, la déclaration de créances doit respecter le formalisme exigé et notamment préciser le montant précis des cotisations sociales et contributions.

Insuffisance des fonds de l’employeur

Il arrive que l’AGS refuse d’intervenir si elle considère que la société en procédure de sauvegarde ne démontre pas suffisamment l’insuffisance des fonds. En revanche, cet argument ne peut pas être avancé par l’AGS quand l’entreprise concernée est en redressement ou liquidation. Cela a été rappelé par la Cour de cassation (Chambre commerciale, 7 juillet 2023, pourvoi n°22-17.902). Ce n’est que dans le cas de la procédure de sauvegarde que le mandataire judiciaire doit prouver que l’insuffisance des fonds disponibles est caractérisée et que l’AGS peut procéder à un contrôle a priori et même contester la réalité de cette insuffisance devant le juge-commissaire.

Quel est le montant maximal pris en charge par l’AGS ?

En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire

Il existe un plafond fixé selon l’ancienneté du salarié au jour de l’ouverture de la procédure collective :

Ancienneté au jour de l’ouverture de la procédurePlafond
Ancienneté de plus de 2 ans92 736 euros
Ancienneté comprise entre 2 ans et 6 mois77 280 euros
Ancienneté de moins de 6 mois61 824 euros

En cas de liquidation judiciaire

  • 11 592 euros pour 1 mois et demi de salaire ;
  • 7 728 euros pour 1 mois de salaire.

Quels documents sont nécessaires pour le traitement d’un dossier par l’AGS ?

De nombreuses informations relatives au salarié, à l’employeur et au mandataire judiciaire sont demandées. Par exemple, le salarié doit fournir de nombreux documents tels que son contrat de travail signé, ses 3 premiers et derniers bulletins de salaire, le document ayant rompu son contrat de travail, un RIB original, etc.

Par ailleurs, le mandataire judiciaire doit remplir un relevé de créances salariales en précisant les montants en brut et net (article L. 3253-19 du Code du travail) ainsi qu’une attestation sur l’honneur indiquant que la société n’a plus de fonds disponibles pour payer les créances salariales.

Le dossier doit être complet.

Quand intervient le versement de l’AGS ?

Quand le dossier est complet, l’AGS doit verser au mandataire judiciaire les sommes figurant sur le relevé de créances dans les délais suivants :

  • Dans les 5 jours à compter de la réception du relevé de créances quand cela concerne les créances les plus importantes telles que les salaires, indemnités de congés payés ;
  • Dans les 8 jours à compter du relevé de créances quand cela concerne les sommes résultant d’un PSE par exemple.

Le mandataire doit ensuite reverser les sommes aux salariés concernés.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

Tous droits de propriété intellectuelle réservés

Photo: Pitpat

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

* Mentions obligatoires

Vous avez une question sur ce point juridique et avez besoin d’un avocat ?