Délai pour agir en justice après une saisie-contrefaçon
08.09.15La procédure de saisie-contrefaçon, souvent nécessaire au succès d’une action en contrefaçon, est réglementée de manière très stricte en droit français. Dans une décision en date du 7 juillet 2015, la Cour de cassation a apporté des précisions quant au délai pour introduire une action au fond après les opérations de saisie-contrefaçon en matière de brevet.
Un délai court pour introduire l’action au fond après les opérations de saisie-contrefaçon
L’article L. 615-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit in fine, que le demandeur doit introduire une action au fond dans un délai fixé par voie réglementaire à peine de nullité de plein droit de l’ensemble des opérations de saisie. L’article R. 615-3 du même code fixe ce délai à 20 jours ouvrable ou trente et un jours civils, si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie. Le décret n° 2008-624 du 27 juin 2008 a prolongé ce délai, qui était auparavant, et au moment des faits de la décision commentée, de quinze jours.
Action au fond contre l’ensemble des défendeurs dans le délai imparti ?
Dans l’affaire qui a été soumise à la Cour de cassation, la société Gestra, titulaire d’un brevet européen, a constaté que son ancien licencié, la société NGE, a continué à exploiter le brevet après la résiliation du contrat de licence à l’occasion d’un marché qu’elle avait obtenu avec la société EGS, une société du même groupe Guintoli. La société Gestra a alors fait procéder à une saisie-contrefaçon sur le chantier du groupe Guintoli, ainsi que chez le fabricant des produits brevetés, la société SMTI, qui a été entretemps reprise par la société Abotech.
Conformément aux articles L. 615-5 et R. 615-3 du Code de la Propriété intellectuelle, a société Gestra a introduit l’action au fond à l’encontre de son ancien licencié et son cocontractant, les sociétés NGE et EGS, dans le délai de quinze jours qui était en vigueur au moment des faits. En revanche, en ce qui concerne le fabricant, la société Abotech, dans les locaux de laquelle est également intervenue une saisie-contrefaçon, elle n’a été appelée en intervention forcée qu’environ six mois plus tard.
Pour sa défense, la société Abotech s’est évidemment prévalue de l’expiration du délai résultant des articles L. 615-5 et R. 615-3 et a demandé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon à son égard. Se posait alors la question de savoir si le délai de quinze jours pour introduire l’action au fond concerne uniquement l’introduction initiale de l’action ou également les appels en garantie qui peuvent intervenir en cours de l’instance.
Action au fond contre un défendeur suffisante pour le respect du délai
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt en date du 5 décembre 2013, a suivi le raisonnement de la société Abotech et a par conséquent prononcé la nullité de la saisie-contrefaçon. La Cour d’appel a en effet estimé que le délai de quinze jours devait impérativement être respecté à l’égard de toute société dans les locaux de laquelle la saisie-contrefaçon est intervenue.
Cette solution sévère a néanmoins été réformée par la Cour de cassation dans la décision commentée : la haute Cour a décidé que le fait que l’assignation au fond a été délivrée contre les sociétés NGE et EGS suffisait pour remplir la condition de délai de quinze jours. La Cour de cassation a en effet estimé que la Cour d’appel aurait créé une condition supplémentaire qui n’était pas prévue par les textes. La Cour de cassation a ainsi apporté une clarification en précisant que l’introduction d’une action au fond (par exemple une action en contrefaçon) à l’encontre d’un des saisis est suffisante pour remplir le délai requis par le Code de la Propriété Intellectuelle, et ce même à l’égard des parties appelées en intervention ultérieurement.
La Haute Cour fait ainsi une interprétation stricte des articles L. 615-5 et R. 615-3 précités, en faveur du demandeur à l’action. La procédure judiciaire qui a conduit à la décision illustre bien l’importance des délais dans les procédures en matière de propriété industrielle.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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