L’annulation des mesures provisoires d’une action en contrefaçon de marque

05.10.15  
contrefacon de marque sur une montre
L’annulation des mesures provisoires d’une action en contrefaçon de marque
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Par une décision en date du 26 mars 2015, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur le sort des mesures provisoires prononcées par le juge des référés saisi en matière de contrefaçon de marque dans le cas où l’action au fond n’a pas été introduite dans le délai imparti prévu à l’article L. 716-6 du Code de Procédure civile.

Dans cette affaire, la société Breitling, qui est titulaire d’une marque « Blackbird » pour désigner notamment des montres, a eu connaissance du fait que son concurrent, la société Bell & Ross, a à son tour lancé une montre sous la référence « BR 126 Blackbird ».

Des mesures provisoires dans le cadre d’une contrefaçon prononcées en référé, à condition que l’action au fond soit introduite dans un certain délai

La société Breitling, estimant que son concurrent commettait ainsi un acte de contrefaçon de sa marque, a alors introduit une action devant le Juge des référés du TGI de Paris en demandant l’interdiction sous astreinte à la société Bell & Ross de cesser toute utilisation de la marque « Blackbird » pour des montres. Dans une ordonnance en date du 12 juin 2014, le juge des référés a fait droit à cette demande et a, par conséquent, fait interdiction à la société Bell & Ross de continuer l’usage de la marque « Blackbird » sous astreinte et à payer la somme provisionnelle de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il résulte de l’article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle que le demandeur en contrefaçon peut obtenir l’octroi de mesures provisoires, à savoir « des mesures destinées à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon », au besoin sous astreinte. Néanmoins, si de telles mesures sont prononcées, une action au fond doit être introduite dans un délai fixé par voie réglementaire, à peine d’annulation des mesures provisoires. Dans son arrêt en date du 26 mars 2015, la Cour d’appel de Paris a apporté deux précisions à cette disposition : elle a tout d’abord précisé le point de départ du délai réglementaire et ensuite déterminé les mesures concernées par cet article.

Détermination du point de départ du délai pour introduire l’action au fond après les mesures provisoires dans la contrefaçon

Le délai pour introduire une action au fond est de 21 jours ouvrables ou trente et un jours civils si ce délai est plus long, « à compter de la date de l’ordonnance », en application de l’article R. 716-1 du Code de la propriété intellectuelle. La Cour souligne dans sa décision que le délai ne court qu’à compter de la date de l’ordonnance qu’à la condition que le juge ait informé les parties de la date à laquelle l’ordonnance sera rendue et que cet avis soit mentionné dans la décision. Si cette mention ne figure pas dans l’ordonnance, le point de départ du délai est différé à la date de notification de l’ordonnance, ou, en l’absence de notification, à la date où la partie concernée a eu, par un moyen quelconque, connaissance effective de cette décision.

Dans le cas d’espèce, l’ordonnance du 12 juin 2014 ne contenait certes pas de mention que le juge des référés avait informé les parties lors des débats de la date prévue pour rendre cette ordonnance. Mais la défenderesse avait notifié la décision le 19 juin 2014 à la demanderesse. Or, celle-ci n’a introduit l’action au fond que le 20 novembre 2014. Le délai pour introduire l’action au fond était donc incontestablement expiré et l’annulation des mesures provisoires en application de l’article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle pouvait être demandée.

L’annulation des mesures provisoires en cas d’introduction de l’action au fond hors délai

delai pour une action en referes dans la contrefaconSe pose alors encore la question de savoir quel type de mesures provisoires est visé par l’annulation. L’appelante avait en effet demandé à la Cour d’appel d’annuler la condamnation aux dommages-intérêts provisoires et de condamner la société Breitling au remboursement de la somme de 80 000 euros. En effet, l’appelante a interprété l’article L. 716-6 du Code de la propriété intellectuelle dans le sens où l’annulation des mesures provisoires, qui est prononcé si l’action au fond n’est pas introduite dans le délai imparti, concerne l’ensemble des mesures prononcées par le juge des référés.

Or, la Cour d’appel, dans son arrêt en date du 26 mars 2015, n’a pas suivi ce raisonnement et a retenu que l’annulation ne frapperait « que l’interdiction prononcée sous astreinte, sans qu’elle puisse être étendue à la disposition de l’ordonnance disant que la société Bell & Ross a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque « Blackbird » pour désigner une montre, ni à la condamnation de la société Bell & Ross à payer une somme provisionnelle accordée au titre du préjudice non sérieusement contestable ».La Cour d’appel interprète ainsi l’article L. 716-6 du Code de propriété intellectuelle de manière stricte et estime que le paiement d’une provision n’est pas une mesure destinée « à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon » au sens dudit article.

Cette solution, si elle respecte strictement l’esprit du texte législatif, risque néanmoins de conférer un caractère définitif à une décision provisoire, si le demandeur omet d’introduire l’action au fond. Cette situation illustre le formalisme strict qui encadre le plus souvent le droit de la propriété industrielle, comme notamment aussi concernant les opérations de saisie-contrefaçon.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photos: Zerbor, R+R

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