Réforme du droit européen des marques avec les « marques de l’Union »
15.03.16Le droit des marques modifié par deux textes européens
Par deux textes en date du 16 décembre 2015, la réforme du « Paquet Marques » a enfin été adoptée par le Parlement européen.
Ces textes ont été adoptés après de nombreuses discussions, car ils modifient aussi parfois les règles nationales des Etats membres et concernent un nombre important de thèmes en droit des marques. En effet, les textes suivants vont impacter le droit des marques de manière non négligeable:
- Le règlement (UE) 2015/2424 modifiant le règlement (CE) n°207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles). Ce règlement, directement applicable dans les Etats membres, entrera en vigueur le 23 mars 2016;
- La Directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques. Cette directive modifie la précédente directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008. Elle est entrée en vigueur le 13 janvier 2016. Les Etats membres doivent la transposer au plus tard avant le 14 janvier 2019.
Le « Paquet Marque » avait pour but d’harmoniser davantage la réglementation des marques dans l’ensemble de l’Union européenne, et cela aussi bien d’un point de vue procédural que d’un point de vue de droit matériel. Dans le domaine procédural, les règles de procédure d’enregistrement des marques nationales sont désormais alignées avec celles de la procédure d’enregistrement des marques communautaires. Les principales modifications sont les suivantes :
Simplification des termes employés en droit européen des marques
Le nouveau règlement 2015/2424 précise que la marque communautaire s’appellera désormais « marque de l’Union » et que l’Office d’harmonisation dans le marché intérieur devient « l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle ».
Suppression de la condition de représentation graphique pour enregistrer une marque
La représentation graphique n’est plus une condition pour l’enregistrement d’une marque communautaire, désormais « marque de l’Union ». Avec cette modification, un signe peut être enregistré en tant que marque, même s’il n’est pas susceptible d’une représentation graphique. Cette modification importante permettra d’enregistrer par exemple des marques sonores ou olfactives. Le règlement précise tout de même que le signe doit être représenté de manière « claire et précise ». Il est évidemment nécessaire de pouvoir identifier clairement le signe protégé.
Meilleure protection de la marque en cas de contrefaçon
La réforme prévoit que certains actes préparatoires réalisés préalablement à l’apposition de la marque sur un produit contrefaisant pourront également être poursuivis au titre de la contrefaçon. Cette modification vise l’utilisation d’emballages, de labels ou d’étiquettes.
Réforme des taxes d’enregistrement et de renouvellement des marques
Le nouveau règlement prévoit une révision de la taxe d’enregistrement et de renouvellement. Avec cette réforme, les demandeurs d’une marque de l’Union devront payer un forfait de base pour l’enregistrement ou le renouvellement qui inclut la protection dans une classe et une taxe supplémentaire pour chaque classe supplémentaire demandée. Le système précédent, selon lequel le forfait de base permettait d’enregistrer la marque dans trois classe « pour le prix d’une », est ainsi abandonné. La pratique a en effet montré que ce système incitait les demandeurs à réserver systématiquement trois classes qui n’étaient pas forcément utilisées.
Révision des règles de classification des produits pour le dépôt de la marque
Le nouveau règlement précise que la désignation des produits et services dans les différentes classes doit être effectuée avec suffisamment de précision pour que l’on puisse, sur la base de cette seule désignation, déterminer l’étendue de la protection demandée. En cas d’utilisation de termes généraux, ces termes doivent être interprétés de manière littérale. Cette méthode d’interprétation restrictive, selon laquelle la désignation d’un produit signifie littéralement ce qu’elle dit, vise à éviter les problèmes d’interprétation de l’intitulé d’un produit ou service.
La procédure de déchéance et de nullité contre les marques
La nouvelle directive prévoit la mise en place par les offices nationaux de marques des Etat membres d’une procédure administrative en matière de déchéance et de nullité des marques. Cette modification constitue la principale nouveauté pour la France, qui ne propose pour l’instant qu’une procédure de déchéance ou de nullité judiciaire. L’objectif de cette mesure est d’harmoniser et d’accélérer davantage les procédures nationales en matière de déchéance et de nullité de marques. Comme il s’agit d’une mesure demandant des réformes approfondis dans certains Etats membres, comme en France, la directive accorde un délai long de 7 ans aux Etats membres pour transposer cette mesure en droit interne.
La réforme du « Paquet marques » contient un certain nombre de modifications qui visent certes à faciliter les procédures pour les titulaires de droits, mais qui nécessitent néanmoins une certaine vigilance de leur part pendant la période transitoire afin de maintenir le niveau de protection de leur marque. A titre d’exemple, il est désormais primordial de veiller à la juste rédaction de la désignation des produits et services dans les différentes classes lors de l’enregistrement de la marque.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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