La vente de contrefaçon sur internet

16.12.20  
Vente de contrefaçon sur internet
La vente de contrefaçon sur internet
Vente de contrefaçon sur internet

A l’ère du numérique il est très facile de se procurer toutes sortes de produits, et beaucoup n’hésitent pas à abuser de la confiance de leur client en vendant des produits de contrefaçon. Or, cette pratique est considérée comme une activité criminelle et donc susceptible de poursuites.

Qu’est-ce-que la contrefaçon ?

La contrefaçon est définie au titre de l’article L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle comme étant toute reproduction, imitation ou utilisation d’une marque, d’un brevet, d’un dessin, d’un modèle ou d’une œuvre sans y avoir été autorisé par le titulaire des droits. Il s’agit donc d’une atteinte à un droit de propriété intellectuelle.

Très souvent, la vente de contrefaçon s’effectue sur internet et sera donc en lien direct avec d’autres délits tels que la concurrence déloyale, le dénigrement ou la publicité mensongère, puisqu’en effet l’acheteur qui se rend sur un site de vente de produits contrefaits n’est pas correctement informé quant aux caractéristiques du produit. De plus, la contrefaçon va avoir pour effet de nuire à l’image de la marque et va créer une confusion dans l’esprit du consommateur entre le produit original et celui contrefait.

Les mesures prises face à la contrefaçon

Pour faire face à la pratique grandissante de la contrefaçon en ligne, trois chartes ont été rédigées permettant de lutter contre la contrefaçon. Ainsi, sur demande de l’ancien secrétaire d’Etat chargé de l’industrie et de la consommation Luc Chatel, il y a d’abord eu la Charte de lutte contre la contrefaçon sur internet entre titulaires de droits de propriétés industrielle et les plateformes de commerce électronique du 16 décembre 2009, puis entre titulaires de droits de propriétés industrielle et les plateformes de petites annonces sur internet du 7 février 2012 et enfin titulaires de droits de propriétés industrielle et les opérateurs postaux du 7 février 2012.

A l’aide de ces chartes, ce sont en fait des engagements mutuels qui ont été conclus entre les différents opérateurs d’internet pour permettre une lutte efficace des sites internet de contrefaçons. C’est donc un système de coopération entre les titulaires de droits de propriété intellectuelle et les plateformes de e-commerce qui a été mis en place. En effet, les plateformes se sont engagées à supprimer les potentiels annonces postées par un contrefacteur et les titulaires de droit se sont quant à eux engagés à notifier aux plateformes les annonces comportant des produits contrefaits. Ainsi, les acteurs économiques tentent d’éviter en amont que l’internaute ne soit victime de contrefaçon en ligne.

Ces chartes prévoient également certaines sanctions à l’encontre des contrefacteurs. En effet une exclusion d’une durée de six mois peut être prononcée contre l‘e-vendeur de produits contrefaits par la plateforme sur laquelle il a mis en vente le produit. Cette sanction peut être portée à une durée de cinq ans dans le cas où le vendeur récidivait.

Risques pour l’acheteur de contrefaçon

L’achat sur internet de contrefaçon, que ce soit volontaire ou non, expose l’acheteur à un danger pour la protection de ses données personnelles et de sa vie privée, et de plus est sanctionné. En effet, les sites de vente de contrefaçon profitent très souvent de l’achat pour conserver les coordonnées bancaires et personnelles transmises à des fins frauduleuses. Ainsi, l’acheteur s’expose à des risques de retraits abusifs sur son compte bancaire, mais aussi à des virus informatique.

En plus de ces risques, l’acheteur même s’il n’a pas agi en connaissance de cause, s’expose à des risques de poursuites et d’éventuelle condamnation. En effet, le Code de la propriété intellectuelle et le Code des douanes condamnent toute importation ou exportation de contrefaçon sur le territoire français. De même la simple détention d’un produit de contrefaçon expose son détenteur à une amende pouvant aller jusqu’à 300 000 euros et à trois d’emprisonnement selon l’article 615-14 du Code de la propriété intellectuelle, et trois ans d’emprisonnement et une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l’objet de fraude selon l’article 414 du Code des douanes.

Le seul moyen pour l’acheteur de ne pas se faire condamner est de prouver sa bonne foi et donc son ignorance quant au fait que le produit acheté est une contrefaçon. Toutefois, une telle preuve est difficile à apporter dans la mesure où les produits de contrefaçons sont souvent à des prix très bas, et que l’acheteur aurait dû se rendre compte de la nature contrefaite du produit.

Les recours contre le vendeur de contrefaçon

Si l’acheteur est lui aussi passible de condamnation pour l’achat de contrefaçon, il dispose tout de même d’un recours contre son vendeur s’il est un consommateur. Dans ce cas, il dispose en effet d’un droit de rétractation en vertu de l’article L.221-18 du Code de la consommation et peut demander à se faire rembourser auprès du vendeur. Toutefois, s’agissant d’un site de contrefaçon en ligne, il est très rare qu’une telle procédure aboutisse, d’autant moins que la durée de vie de ces sites internet est très limitée. Il lui appartient donc de vérifier la fiabilité du site, les avis des clients ainsi que de faire attention au prix de vente.

Toutefois, si l’acheteur décide de commander et qu’il reçoit un article de contrefaçon, alors il est dans l’obligation de signaler la contrefaçon, soit par le dépôt d’une plainte pour contrefaçon, soit en saisissant la douane ou les services locaux de répression des fraudes. S’il ne dénonce pas la contrefaçon par l’un de ces moyens et qu’il a conscience d’être en possession d’une contrefaçon, alors il se rend coupable de recel d’objet contrefait et s’expose selon l’article 131-39 du Code pénal à cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Les sanctions civiles de la contrefaçon

En matière de contrefaçon, l’auteur engage sa responsabilité civile conformément à l’article L.615-1 du Code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, il s’expose au versement de dommages et intérêts qui doivent être évalués selon les conséquences économiques subies par la partie lésée, le préjudice moral et les bénéfices réalisés par le contrefacteur selon l’article L.615-7 du Code de la propriété intellectuelle.

Les sanctions pénales contre le vendeur

Peu importe le produit dont il a été fait une contrefaçon, le vendeur s’expose à la même sanction pénale qui peut aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende, à l’exception de la contrefaçon d’une marque de fabrique de commerce ou de service pour lesquels la sanction s’élève à quatre ans d’emprisonnement et à 400 000 euros d’amende conformément aux articles 716-9 et suivant du code de la propriété intellectuelle.

Toutefois, ce même code procède à une distinction selon que la vente a été effectuée par une personne morale ou par une personne physique, en effet, pour les personnes physiques ce sont les sanctions précitées qui auront vocation à s’appliquer tandis que pour les personnes morales, les sanctions seront plus lourdes. Ainsi, ces dernières sont punies au titre de l’article L.131-8 du code pénal à une amende équivalent au quintuple de celle applicable aux personnes physiques.

A côté de ces peines principales que sont l’amende et l’emprisonnement, des peines complémentaires sont également prévues, en effet le vendeur d’un produit de contrefaçon s’expose à la confiscation des produits contrefaits et la fermeture de son site internet.

Le rôle des hébergeurs de site internet

L’hébergeur est comme son nom l’indique une personne morale qui met à disposition de divers sites internet un espace de stockage permanent afin que les utilisateurs puissent avoir accès audit site internet. Leur rôle est déterminant quant à la vente de contrefaçon sur internet puisqu’ils ont de part leur statut la possibilité de bloquer le site mettant en vente des contrefaçons selon l’article L.336-2 du Code de la propriété intellectuelle, et ont l’obligation de vérifier que ces annonces de vente de produits contrefaits ne soient pas de nouveau mises en ligne.

Toutefois, le rôle principal revient très souvent aux plateformes qui offrent la possibilité à toute personne de mettre en ligne des annonces. En effet, ces plateformes doivent retirer les annonces concernant des produits contrefaits dès lors qu’elles en ont connaissance tel que ça a pu être jugé dans un litige opposant L’Oréal à Ebay (Affaire C-324/09, 12 août 2009, Cour européenne de Justice), dans lequel il a été considéré que la plateforme était responsable de la vente des produits contrefaits car elle n’a pas agi pour retirer les annonces de son site.

Contrefaçon et e-commerce

Les ventes en ligne représentent chaque année plusieurs milliards de dollars. Toutefois, une partie de cette somme n’est pas perçue directement par les marques mais plutôt par des contrefacteurs qui profitent d’internet pour s’enrichir illégalement. Ainsi, les contrefacteurs utilisent internet pour vendre des produits quasiment identiques aux originaux mais souvent de mauvaise qualité, ce qui peut nuire de façon considérable non seulement à l’image d’une marque mais également au chiffre d’affaire des marques. En effet, l’argent perçu par les contrefacteurs est autant d’argent qui ne rentre pas dans les comptes des marques.

Internet est de nos jours d’une grande aubaine pour les contrefacteurs, puisque la majorité des personnes, si ce n’est la totalité, a déjà commandé au moins une fois sur internet (source: www.lsa-conso.fr/10-chiffres-cles-sur-l-achat-en-ligne,339876 ), et la plupart font une grande majorité de leurs achats en ligne, ce qui offre aux contrefacteurs un public très large.

Toutefois, certaines marques ont mis en place un système pour éviter à de potentiels clients d’être victime de contrefacteurs. C’est notamment le cas de certaines grandes marques de luxe qui proposent une aide en ligne pour vérifier qui sont les revendeurs officiels de la marque, et signaler les distributeurs qui ne sont pas autorisés à revendre des produits de ladite marque. Ainsi, par cette méthode, les marques s’assurent que les consommateurs puissent prendre connaissance des sites internet qui vendent des produits authentiques et ceux qui au contraire vendent des produits contrefaits.

Contrefaçon et fabrication en Chine

La plupart des vendeurs de contrefaçon sur internet s’approvisionne en Chine pour bénéficier d’un produit quasiment identique au produit original et à moindre coût. En effet, plus de la moitié des produits contrefaits saisis aux douanes mondiales proviennent de Chine.

La Chine est pointée du doigt par bon nombre de pays pour la production d’articles contrefaits. Les contrefaçons sont très souvent de qualité, ce qui pousse d’autant plus le consommateur à acheter. La Chine est notamment au centre des discussions concernant la vente de produits contrefaits avec son site internet Alibaba, dont les ressemblances sont frappantes avec les produits originaux.

Toutefois, la Chine elle aussi a pris conscience de l’ampleur des contrefaçons sur son territoire et a introduit une loi, entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, qui a non seulement pour objectif de rendre responsable les plateformes internet en cas d’annonce de vente de contrefaçon sur les sites, mais aussi de « protéger les droits et intérêts légitimes des parties au commerce électronique ».

Quelques cas célèbres de contrefaçons en ligne

Ainsi qu’indiqué précédemment, les hébergeurs ont un rôle à jouer quant à l’élimination de la contrefaçon en ligne. Toutefois ils ne peuvent pas toujours être tenus responsables des ventes qui se font à l’insu des marques. Cela a notamment été jugé par le Tribunal de Grande Instance de Paris dans un jugement rendu le 28 juin 2019 dans une affaire opposant la plateforme de e-commerce Cdiscount à l’entreprise Jansport Apparel Corp qui produit notamment les sacs Eastpack. En effet, dans cette affaire, le tribunal a jugé Cdiscount non-responsable de ces ventes car en qualité d’hébergeur, elle ne pas pu agir activement sur le contenu des annonces publiées. Toutefois, la solution aurait sûrement été différente si la société Jansport Apparel Corp avait prouvé que Cdiscount avait connaissance de la vente de produits litigieux.

En revanche, dans une affaire mettant en cause le site Alibaba.com, le Tribunal de grande instance de Paris a pris la décision dans un arrêt du 21 novembre 2017 de le condamner, car il a été considéré comme étant un éditeur et non pas un simple hébergeur. En étant qualifié d’éditeur, Alibaba a donc un rôle actif à jouer quant aux contenus mis en ligne et en est donc responsable. C’est pourquoi la plateforme a été condamnée à payer une astreinte de 4000 euros par jour si elle ne supprimait pas les annonces de produits contrefaits.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: nnudoo

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