Interdiction pour le salarié de déposer un brevet

01.08.18  
Invention du salarié en télécommunications
Interdiction pour le salarié de déposer un brevet
Invention du salarié en télécommunications

Droit de l’employeur d’interdire le dépôt du brevet par le salarié inventeur

La Cour de cassation a confirmé le 3 mai 2018 que l’employeur a la possibilité d’interdire contractuellement au salarié ne faisant plus partie de l’entreprise de déposer des brevets pour des inventions réalisées durant l’exécution de son contrat de travail, et ce, afin de protéger les intérêts de son entreprise. Cette interdiction non plus n’ouvre pas droit à une compensation pour le salarié.

Clause d’interdiction du dépôt de brevet développé dans le contrat de travail d’un ingénieur

Les faits jugés étaient les suivants : un salarié était ingénieur « recherche et développement télécom » d’IBM France et disposait à ce titre d’un contrat de travail. Ce contrat comportait une clause lui interdisant notamment de :

  • « Procéder à tout dépôt ou formalités auprès des registres de marques, brevets, dessins et modèles, pour des créations inventées durant l’exécution de son contrat pendant les cinq ans qui suivaient la rupture de son contrat de travail
  • Publier des articles scientifiques, diffuser des informations commerciales et des renseignements techniques relatifs à la société pendant un délai de trois ans à compter de la résiliation du contrat. »

Après avoir été licencié, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir une compensation financière afin de combler cette interdiction de dépôt de brevet après la fin de son contrat de travail.

Droit à compensation financière pour perte du droit de l’auteur de l’invention à la protéger ?

La question qui se posait à la Cour de cassation était de savoir si le salarié a droit à une compensation financière en raison de l’interdiction qui lui est faite de déposer un brevet même après la fin de son contrat de travail.

Tout d’abord, la Cour d’appel de Paris avait donné gain de cause au salarié, estimant que la clause en question s’apparentait à une clause de non-concurrence et qu’elle supposait donc le versement d’une contrepartie financière pour l’obligation de non-concurrence au salarié. Les juges avaient manifestement tenté de trouver une base légale pour octroyer une somme au salarié. La Cour avait ainsi condamné l’employeur à indemniser le salarié à hauteur de 60 000 €.

Pas de compensation au profit du salarié

La Cour de cassation n’a pas suivi ce raisonnement quelque peu original ! En effet, celle-ci a estimé que « l’engagement du salarié, après la rupture du contrat de travail, à ne déposer aucun brevet pour des créations inventées pendant l’exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne diffuser aucune information commerciale ni aucun renseignement technique, relatifs à la société, n’étaient pas assimilables à une clause de non-concurrence et n’ouvraient pas droit au paiement d’une contrepartie financière ».

La solution semble logique. L’interdiction du salarié en question, applicable après la rupture, ne porte pas atteinte au libre exercice par celui-ci d’une activité professionnelle. Elle ne l’empêche pas de retrouver un emploi, et ce, même chez un concurrent. Or, c’est précisément l’atteinte au principe fondamental de la liberté du travail qui justifie, en matière de clause de non-concurrence, l’obligation d’avoir à verser une contrepartie. Cette distinction justifie par conséquent la différence de régime et l’absence d’assimilation.

Un précédent arrêt de la Cour de cassation du 15 octobre 2014 avait aussi refusé de soumettre la clause dite de « discrétion » (confidentialité) au régime de la clause de non-concurrence. En effet, la clause obligeant le salarié, après la rupture, à respecter la confidentialité des informations qu’il détient concernant son précédent employeur, ne porte pas atteinte au libre exercice d’une activité professionnelle. Elle n’est que le prolongement de l’obligation de loyauté qui découle du contrat de travail et n’a donc pas à faire l’objet d’une contrepartie.

En définitive, le salarié qui accepte lors de son embauche une clause d’interdiction de déposer un brevet pour ses inventions doit s’attendre à perdre tout droit à ce titre, et même tout droit financier.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: Yanawut

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