L’offre de reprise de l’entreprise en procédure collective
22.09.20Le dépôt de bilan qui, dans le langage courant correspond soit au redressement judiciaire soit à la liquidation judiciaire, ne conduit pas forcément à la disparition de l’entreprise concernée. En effet, la loi permet aux tiers de racheter cette entreprise en faillite. Avec la crise sanitaire du coronavirus, les repreneurs auront très probablement des opportunités de reprise à saisir. En effet, les entreprises françaises souvent sous capitalisées peuvent être fragilisées par les incertitudes du marché.
Indépendamment des conséquences potentielles de la pandémie sur les entreprises les plus fragiles qui ne se feront pas sentir avant la fin octobre 2020, au premier semestre 2020, 321 plans de cession ont été arrêtés sur tout le territoire national. C’est certes peu en comparaison du nombre des procédures collectives (au premier trimestre 2020, 9 081), mais elles portent souvent sur des entreprises à la taille et au potentiel intéressant pour un repreneur.
Avantages de reprendre une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire
Les avantages d’une reprise d’entreprise en procédure collective sont multiples :
- Activité déjà existante et implantée sur le territoire national,
- Souvent, propriété intellectuelle de valeur : marque forte connue du public, brevets et technologie développées de longue date,
- Connaissance des autres candidats et de leur offre,
- Rapidité du processus de rachat par rapport à un rachat d’entreprise négocié avec le propriétaire,
- Prix de cession plus intéressant que dans l’achat d’entreprise en France en dehors d’une procédure collective,
- Pas de risque d’augmentation du passif, les dettes n’étant pas transmises,
- Délimitation du périmètre de la reprise (pas d’obligation de reprendre tous les contrats en cours, surtout les contrats de travail).
Bien entendu, il est nécessaire de réaliser une analyse fiable du potentiel de la reprise pour le repreneur, l’affaire en liquidation à reprendre pouvant avoir souffert d’une dégradation de son image et/ou de problèmes structurels impossibles à corriger.
Parce qu’elle s’opère dans le cadre d’une procédure collective et qu’elle est ordonnée par le tribunal, la cession d’une entreprise en procédure collective répond à des finalités particulières et est soumise à une certaine procédure. Voici donc pour les candidats repreneurs l’exposé clair et pratique de l’essentiel à savoir pour déposer une offre de reprise.
Finalité de la reprise d’entreprise pour le législateur français
Le plan de cession a été imaginé par le législateur de 1985 comme une technique de redressement de l’entreprise. Il faut organiser la survie des éléments sains de l’entreprise grâce à un autre chef d’entreprise. Le code de commerce dispose que « la cession de l’entreprise a pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif » (art. L. 642-1, al. 1 du Code de commerce).
Quelle est l’entreprise cédée ?
Le droit des entreprises en difficultés retient une conception économique de l’entreprise. Il s’agit de céder une activité économique autonome organisée par les moyens nécessaires à l’exercice de cette activité. A cette définition s’ajoute une condition de fonctionnement de la branche autonome à des conditions normales dans le secteur d’activité en cause (CA Rennes, 01/07/2008, 2ème chambre, RG n°08/01007). La cession proposée par les organes de la procédure peut concerner la totalité de l’entreprise ou seulement une ou plusieurs branches autonomes d’activité de l’entreprise (cession partielle).
Qui peut présenter une offre de cession ?
Peuvent présenter une offre de cession :
- Toute personne de nationalité française ou étrangère ;
- Les associés de la personne morale faisant l’objet de la procédure collective, sous la réserve d’un associé majoritaire qui pourrait être considéré comme un dirigeant de fait de par l’influence qu’il exercerait. Une filiale ou une société mère peut donc présenter une offre de reprise ;
- Les créanciers, sous réserves qu’ils ne soient ou n’aient pas été nommés contrôleurs dans la procédure collective;
- Une société en formation etc.
Une offre peut être présentée par plusieurs co-auteurs. Certaines personnes ne sont pas autorisées à déposer directement ou par personne interposée une offre de cession (C.com., art. L. 642-3) :
- La société en procédure collective. Il ne doit en effet pas lui être permis d’effacer l’ensemble du passif généré par sa gestion et de recommencer la même activité ;
- Les dirigeants de droit et les dirigeants de fait de la personne morale soumise à une procédure collective. Sont concernés tout type de dirigeant, pas seulement les dirigeants sociaux ou associés majoritaires. Ils doivent être encore en exercice au jour du jugement d’ouverture de la procédure, peu importe qu’ils aient été évincés ultérieurement ;
- Les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement du débiteur personne physique et des dirigeants.
- Les créanciers contrôleurs actuels et antérieurs.
Ces personnes se voient également interdire d’acquérir tout ou partie des biens compris dans la cession, des parts, titres de capital ou valeurs mobilières de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens pendant les cinq années suivant la cession. Toutefois, sur requête du ministère public et après consultation des contrôleurs, une autorisation peut être accordée par le tribunal de la procédure. En pratique, une attestation sur l’honneur de la qualité de tiers autorisé devra accompagner l’offre de reprise.
Dans quels délais déposer une offre de reprise d’entreprise en redressement ou liquidation judiciaire ?
Il n’est pas nécessaire qu’un appel d’offres ait été initié par l’administrateur ou le liquidateur judiciaire. Dès lors qu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte, toute personne autorisée peut présenter une offre sur l’entreprise en redressement judiciaire à vendre..
L’offre peut être faite à tout moment. Il apparaît alors nécessaire de se rapprocher des organes de la procédure afin d’avoir connaissance des caractéristiques essentielles de l’entreprise. Une fois que les organes de la procédure ont pris l’initiative d’une cession d’entreprise, une procédure d’appel d’offre doit être suivie.
Dès qu’il existe une possibilité de pouvoir bénéficier d’un plan de cession, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire communique au greffe du tribunal de la procédure les informations utiles concernant les éléments d’actifs de l’entreprise. Les charges et les litiges concernant les éléments de l’entreprise doivent y être signalés.
Une notice est publiée dans les journaux d’annonce légale, sur certains réseaux sociaux professionnels également (comme LinkedIn). Cette information publique doit être succincte afin de ne pas attirer des offres peu sérieuses.
Une date butoir pour le dépôt des offres est arrêtée par l’administrateur judiciaire en procédure de redressement et par le tribunal en liquidation judiciaire. Par ailleurs,
- en redressement judiciaire, il doit exister un délai de quinze jours entre la réception de l’offre et l’audience arrêtant le plan de cession (art. R. 631-39, al. 3 du code de commerce).
- en liquidation judiciaire, aucune offre ne peut plus être déposée dans les huit jours précédant l’audience à l’issue de laquelle le tribunal arrêtera le plan de cession (art. R. 642-2, al. 3 du code de commerce).
Le délai fixé par le tribunal peut être prolongé sur demande de l’administrateur judiciaire ou du liquidateur judiciaire. Tel sera par exemple le cas si une offre est présentée au-delà de la date butoir fixée par l’administrateur judiciaire ou le tribunal mais dans les 15 jours précédant la date de l’audience. Il s’agit là de laisser une chance aux autres candidats de pouvoir améliorer leurs offres.
En cas de conversion de procédure, les offres qui auraient déjà pu être présentées peuvent être à nouveau soumises au tribunal. En ce cas, le tribunal est libre de fixer ou non un délai de présentation des offres selon qu’il estime suffisamment intéressantes ou non les offres déjà déposées.
Comment préparer son offre de reprise ?
Dès que le candidat s’intéresse à une entreprise en procédure collective, il a tout intérêt à prendre contact avec les organes de la procédure collective par le biais de son avocat, pour recueillir le maximum d’informations. Pourquoi un avocat ? Parce qu’un non-juriste oubliera de poser des questions techniques, dont l’importance peut être telle que l’offre réalisée à l’aveugle coûtera cher au repreneur. Il convient donc de prendre le temps d’analyser le maximum de données juridiques avant de déposer l’offre et de tenir compte des risques constatés pour les exclure de cette offre.
A qui l’adresser l’offre de reprise et sous quelle forme ?
Tant en redressement judiciaire qu’en liquidation judiciaire, l’offre doit être adressée à l’administrateur judiciaire s’il en a été désigné un, à défaut au mandataire judiciaire ou au liquidateur judiciaire. L’offre doit être écrite et signée de la main de son auteur. Un avocat connaissant bien les liquidations et redressements judiciaires peut représenter le repreneur et agir à sa place pour sécuriser juridiquement la démarche.
Que doit contenir une offre de cession ?
S’agissant d’un engagement unilatéral du candidat, l’offre doit être suffisamment précise. Elle seule limite le périmètre de la reprise. L’offre de cession soumise au tribunal doit être sincère et éclairée. Elle sera sincère lorsqu’elle transcrira la volonté réelle du candidat dede rachat de l’entreprise en difficultés. Aucune offre « faite à la légère » ne peut être présentée. Le candidat doit proposer un projet d’entreprise. Elle sera éclairée dès lors que le candidat aura pu préparer et formuler son offre en toute connaissance de cause, c’est-à-dire en étant en possession des éléments clés quant aux caractéristiques de l’entreprise. Ces éléments lui seront communiqués par l’administrateur judiciaire. L’information faite est d’ordre économique, financière ou comptable. Un bilan économique et social doit être fait en amont pour calculer les risques et potentialités ainsi qu’une situation sur les obligations environnementales de l’entreprise à céder.
L’offre de cession présente un caractère forfaitaire. Le repreneur s’engage à reprendre tout ou partie des actifs de l’entreprise mais également à maintenir un certain niveau d’emploi. Plus précisément, l’offre de cession doit contenir les éléments prévus à l’article L. 642-2, II du Code de commerce, à savoir :
- la désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus dans l’offre, dont notamment les contrats de travail (attention, le repreneur doit respecter des règles contraignantes en droit du travail)
- les prévisions d’activité et de financement du repreneur,
- le prix de cession ainsi que les modalités de règlement et d’obtention des fonds. Le prix doit être sérieux. Le plan de cession a pour objectif l’entier désintéressement des créanciers dont les créances sont inscrites au passif de la procédure. Le prix sera apprécié au regard des sûretés grevant les actifs cédés ainsi qu’au vu du transfert de la charge des sûretés tel que prévu par l’article L. 642-12, al. 4 du code de commerce,
- la date de réalisation de la cession. Cette date est importante dans le cas où une période de location-gérance serait envisagée,
- le niveau et les perspectives d’emploi justifiés par l’activité considérée. Le maintien de l’emploi a été érigé en critère essentiel de sélection de l’offre. Une statistique établit par exemple qu’en 2018, une offre de reprise présentant une meilleure sauvegarde de l’emploi avait plus de 70% de chance d’être retenue qu’une offre proposant un prix de cession élevé,
- les garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre,
- les prévisions de cession d’actifs au cours des deux années suivant la cession. Un candidat qui prévoit de revendre tous les actifs de l’entreprise à court terme ne verra pas son offre retenue,
- la durée de chacun des engagements pris par l’auteur de l’offre,
- les modalités de financement des garanties financières envisagées lorsqu’elles sont requises au titre des articles L. 516-1 et L. 516-2 du code de l’environnement.
En plus de ces informations, le candidat repreneur devra attester ne pas être sous le coup de l’interdiction d’acquérir et joindre ses comptes annuels des trois derniers exercices. Cela permet aux juges d’apprécier la surface financière du candidat.
L’offre déposée est-elle contraignante pour le candidat?
L’offre qui sera déposée est irrévocable. L’auteur d’une offre de reprise régulièrement déposée est liée par celle-ci dès réception par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur jusqu’à ce que le tribunal rende sa décision arrêtant le plan de cession.
L’irrévocabilité de l’offre n’empêche pas que l’offre puisse être assortie de conditions. Le candidat peut ainsi soumettre l’offre de reprise qu’il dépose à certaines conditions, telles que l’obtention d’une autorisation administrative, un engagement de non-concurrence de la part du débiteur cédé. Il est à noter que l’arrêt d’un plan de cession n’emporte pas obligation de non-concurrence à la charge du cédé : cette obligation doit être expressément prévu dans le plan de cession.
L’offre peut également contenir plusieurs options de reprise ou être assortie d’un délai. Toutefois, la multiplication des conditions et délais affaiblira le sérieux de l’offre déposée.
Plus encore, l’offre déposée est intangible. Elle ne pourra faire l’objet que de modifications créant davantage d’obligations à la charge du candidat et à sa seule initiative, le tout au plus tard deux jours avant l’audience du tribunal qui statue sur le plan de cession. Ces modifications interviennent le plus souvent pour améliorer l’offre après que le candidat a vu les autres offres plus avantageuses.
Comment est choisie l’offre de cession par le tribunal ?
L’administrateur judiciaire et le liquidateur n’ont aucun pouvoir d’appréciation des offres qui leur sont communiquées. Mais leur opinion compte : l’administrateur judiciaire ou le liquidateur en liquidation judiciaire doit établir un rapport sur chacune des offres qu’il reçoit. Il remettra ce rapport au tribunal en même temps qu’il déposera les offres au greffe du tribunal de la procédure. Néanmoins, si un plan de cession et des offres de cession sont en concurrence avec un plan de redressement, les juges doivent d’abord évaluer les chances de redressement avant de se pencher sur le plan de cession et l’arrêter.
Le dépôt de l’offre est une mesure de publicité et une condition de recevabilité de l’offre : les offres des autres candidats sont donc consultables. C’est le tribunal qui choisit l’offre qui lui paraît la meilleure pour l’entreprise. En effet, une audience est fixée par le tribunal, au cours de laquelle assistent :
- dans un premier temps en chambre du conseil (seuls sans public) les organes de la procédure collective seuls avec le juge. Dans le cadre d’un redressement judiciaire, est fait un point sur l’activité de l’entreprise pendant la période d’observation et les démarches réalisées dans le cadre du plan de cession. Ce dernier point est également évoqué dans le cas de la liquidation judiciaire.
- ensuite, également les candidats repreneurs, et ce toujours en chambre du conseil. Ils exposent oralement avec l’aide de leur avocat leur projet de reprise. Des questions complémentaires peuvent être posées par les organes de la procédure collective. Le candidat-repreneur devra donc bien avoir préparé son argumentaire et avoir anticipé toutes questions éventuelles qui pourra lui être posées. Chaque phrase compte. Les candidats remettent à l’administrateur judiciaire avant ou au cours de l’audience, soit à l’ordre de l’administrateur judiciaire, soit à l’ordre de l’entreprise en procédure collective, le chèque de banque ou l’attestation de garantie à première demande.
Les critères essentiels pour retenir la meilleure offre sont les suivants :
- la sériosité de l’offre, à savoir la solidité financière du candidat et la pérennité de son projet l’offre permettant d’assurer le plus durablement l’emploi et également le plus d’emplois ;
- le nombre de postes de travail qui peuvent être pérennisés grâce au projet de reprise.
- la sécurisation du paiement des créanciers
- les meilleures garanties d’exécution.
Ce n’est donc pas le prix le plus élevé qui l’emportera nécessairement.
Le tribunal arrête au cours de cette audience le plan de cession voire les plans de cession en cas de pluralité de branches autonomes d’activité. Le tribunal n’a jamais l’obligation d’arrêter un plan de cession : il ne le fera pas si le caractère sérieux de l’offre ou des offres et la qualité de tiers ne sont pas certains.
En l’absence d’offre sérieuse (ou d’offre tout court), l’entreprise sera alors liquidée et ses éléments d’actifs seront vendus de manière isolée. Quant au candidat repreneur dont l’offre a été rejetée, car jugée non suffisamment sérieuse, il pourra toujours tenter de se rattraper en rachetant élément d’actif par élément d’actif. Cependant il faut noter, qu’en vertu de l’article L642-10 du code de commerce, le tribunal peut prévoir dans le jugement arrêtant le plan de cession que tout ou partie des biens repris ne pourront être cédés, pour une durée qu’il fixe, sans son autorisation. Le nom du repreneur est officiellement annoncé durant cette même audience. Le jugement arrêtant ou rejetant le plan de cession est notifié dans les 8 jours suivant l’audience et est immédiatement exécutoire. Seul l’appel du ministère public est suspensif.
L’offre retenue par le tribunal peut-elle être ensuite retirée ?
La cession qui résulte de la décision du tribunal est judiciaire. Le candidat choisi qui n’exécuterait finalement pas son engagement engagerait sa responsabilité. La mauvaise exécution du plan par le repreneur entraînerait sa résolution.
Aucun recours ne peut être exercé par le repreneur contre le jugement du tribunal arrêtant le plan de cession, sauf dans le cas où des charges non-souscrites par le repreneur dans son offre de reprise auraient été retenues par le tribunal.
La décision arrêtant le plan de cession rend ses dispositions opposables à tous dès sa publication. Il est toutefois possible pour le repreneur de demander que soit modifié le plan de cession arrêté. La modification ne peut toutefois porter que sur les objectifs et les moyens du plan. Une modification du prix de cession n’est pas possible. Ainsi, pour pouvoir modifier le plan de cession arrêté par le tribunal, il faut que son exécution ait été rendue impossible du fait d’événements postérieurs à la cession. La modification pourra donc porter sur une substitution de repreneur, la levée d’une clause d’inaliénabilité ou encore au nombre de salariés dont la reprise était envisagée dans le plan de cession.
Que peut faire le candidat à la reprise dont l’offre n’a pas été retenue ?
Le candidat évincé ne dispose d’aucune voie de recours contre le jugement arrêtant le plan de cession, tout comme l’administrateur judiciaire et les représentants du personnel. La tierce-opposition est en effet exclue (art. L. 661-7 du code de commerce). Ne peuvent faire appel du jugement arrêtant ou rejetant un plan de cession que le ministère public, le cessionnaire, cocontractant cédé et le débiteur (art. L. 661-6, III du code de commerce). Le délai est de 10 jours à compter de la notification du jugement arrêtant ou rejetant le plan de cession, sauf pour le débiteur pour qui le délai commence à courir le jour du jugement.
Comment fonctionne la cession judiciaire d’une entreprise en liquidation?
Après le jugement arrêtant le plan de cession, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire passe avec le repreneur choisi par le tribunal tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession. La date de reprise de l’entreprise en liquidation est fixée dans ces actes. Le tribunal peut aller jusqu’à confier provisoirement la gestion de l’entreprise au repreneur avant même la date de cession effective de l’entreprise.
La cession ne peut contenir ni plus ni moins que ce qui a été proposé par le repreneur dans son offre de cession. Le tribunal ne peut pas y déroger. Les biens compris dans la cession judiciaire ne peuvent être que des biens appartenant au débiteur et doivent être cessibles. Plus encore, ils doivent être nécessaires à l’exploitation de l’entreprise.
Si après la cession d’un bien, il s’avère que celui-ci appartenait à un tiers et qu’un jugement en ordonne la restitution, la règle selon laquelle en fait de meuble la possession vaut titre protègera le repreneur. Le propriétaire du bien sera alors titulaire d’une créance postérieure dont le montant correspondra au prix du bien. Lorsqu’un bien est grevé d’un droit de rétention, le repreneur devra payer le créancier rétenteur afin de faire disparaître le droit de rétention. Le complet paiement du prix de cession libère le repreneur des créanciers.
Que deviennent les sûretés accordées sur l’entreprise ?
Les sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d’un crédit consenti au débiteur pour lui permettre le financement d’un bien sur lequel elles portent sont automatiquement transférées, dès lors que le bien grevé de cette sûreté est dans le périmètre de la cession. Ceci est valable même si le repreneur ignore l’existence de la sûreté. La charge de la sûreté ne peut pas non-plus être écartée du périmètre de la cession. Le transfert étant automatique en vertu du jugement arrêtant le plan, une caution ne pourrait par exemple pas se prétendre déchargée.
Le repreneur devra donc s’acquitter de échéances dues à compter du transfert de propriété, mais accord entre le repreneur et les créanciers titulaires des sûretés est possible.
A qui revient le prix de cession ?
Le prix de reprise d’une entreprise en liquidation judiciaire rentre dans l’actif de la procédure. Il sert au désintéressement des créanciers. Il sera donc versé à l’administrateur judiciaire ou au liquidateur de la procédure. Le repreneur qui est également créancier du débiteur ne peut pas opérer de compensation entre sa créance déclarée ou non à la procédure et le prix de cession.
Le repreneur ne sera pas tenu du passif non-apuré par le prix de cession. Son engagement se limite au prix arrêté par le jugement. Si la cession porte sur des biens grevés d’un privilège spécial, d’un gage, d’un nantissement ou d’une hypothèque, le tribunal doit affecter à chacun de ces biens une quote-part du prix.
A quelles conditions sont poursuivis les contrats repris ?
Le tribunal a pour mission de déterminer les contrats nécessaires au maintien de l’activité (art. L. 642-7, al. 1 du code de commerce), sous réserve de ne pas imposer au repreneur une charge supplémentaire qu’il n’aurait pas souscrit (art. L. 661-6, III du code de commerce). Le jugement qui arrête le plan emporte la cession de ces contrats (art. L. 642-7, al. 2 du code de commerce). Seul un contrat synallagmatique en cours au jour du jugement d’ouverture et n’ayant pas été résilié avant le jugement arrêtant le plan de cession peut être cédé (art. L. 642-7, al. 1 du code de commerce). La cession judiciaire est d’ordre public, aucune clause ne peut en empêcher l’effet.
Le contrat sera poursuivi aux conditions en vigueur au jour du jugement d’ouverture de la procédure. Ainsi, par exemple, si le contrat prévoit la constitution d’un dépôt de garantie, le repreneur devra le faire. Rien n’empêche cependant la négociation contractuelle entre le cocontractant de l’entreprise en procédure collective et le repreneur. Il pourra par exemple être convenu une répartition au prorata temporis du paiement d’un impôt, d’indemnité de licenciement. Tout doit être au préalable prévu dans l’offre de reprise et arrêté par le tribunal.
La substitution du repreneur au débiteur cédé opère, à défaut de date antérieure prévue par le tribunal, au jour de la réalisation des actes de cession. Ainsi, toute créance qui naîtrait avant cette date serait une créance postérieure de la procédure et ne pourrait être opposée au repreneur.
Qu’advient-il des biens et contrats qui n’étaient pas compris dans le plan de cession ?
Les biens non-compris dans le plan de cession restent dans le patrimoine du débiteur en procédure collective. Si un plan de redressement est arrêté, les biens serviront à la poursuite de l’exploitation. Si une liquidation judiciaire est prononcée, les biens seront vendus selon les règles de la liquidation judiciaire.
Les contrats qui ne sont pas compris dans le périmètre de la cession ne sont pas résiliés de fait. L’absence de cession vient toutefois justifier la résiliation de ce contrat. Le juge-commissaire prononcera cette résiliation. Le cocontractant qui n’aurait pas été cédé peut donc proposer au repreneur la conclusion d’un nouveau contrat avec de nouvelles conditions.
Questions/réponses en résumé
Comment reprendre une entreprise en liquidation judiciaire ?
Le candidat repreneur se rapproche des administrateurs et liquidateurs judiciaires pour connaitre les modalités de l’offre de cession et dépose cette offre dans les délais fixés. Il fixe son prix et le nombre de salariés repris, notamment. Il fait attention à inclure dans cette offre toutes les informations obligatoires et se tenir sans cesse informé de la procédure collective.
Comment trouver une entreprise à reprendre ?
Il est possible de demander directement aux administrateurs et liquidateurs judiciaires ou à un avocat qui connaît bien les procédures collectives. Ce dernier aura un meilleur accès à ces professionnels très occupés. Il existe aussi des intermédiaires mais ceux-ci proposent le plus souvent et prioritairement des entreprises qui ne sont pas en redressement ou en liquidation judiciaire.
Comment financer la reprise d’une entreprise sans apport ?
Soit l’acheteur s’intéresse à une entreprise qui n’est pas en procédure collective mais a des pertes et est donc proposée souvent à un prix très bas, soit l’acheteur achète une entreprise en dépôt de bilan, dont il fixe le prix qu’il propose. Mais attention, souvent, même si le prix d’achat est bas, il est nécessaire de refinancer, par exemple avec un prêt bancaire.
Comment marche l’achat d’un restaurant en liquidation judiciaire ?
Exactement comme pour toute autre entreprise en liquidation judiciaire, l’acheteur potentiel s’adresse au liquidateur judiciaire et collecte le plus d’informations possibles : qui sont les autres acheteurs ? Dans quel état est le restaurant ? Qui sont les salariés ? Il analyse la viabilité du restaurant et s’il est convaincu, il fait une offre officielle de reprise.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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