Responsabilité du gérant pour défaut de déclaration d’ouverture d’une procédure collective dans les délais
20.02.17Allègement de la responsabilité du dirigeant pour défaut de déclaration dans le délai de 45 jours
Les textes de loi et la jurisprudence récente témoignent d’une évolution favorable au dirigeant en droit des procédures collectives. Cette évolution va dans le sens d’un allégement de sa responsabilité lors d’une demande tardive d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Est tardive la demande d’ouverture présentée au-delà des 45 jours maximum prévus par la loi à compter de la date de la cessation des paiements. Jusqu’à présent, le gérant qui omettait de faire cette déclaration dans les délais voyait prononcer à son encontre une interdiction de gérer. Cette sanction était relativement souvent prononcée puisqu’il suffisait de constater le dépassement du délai. La loi a introduit des conditions plus restrictives pour engager la responsabilité du dirigeant.
Les sanctions de principe encourues par le gérant qui ne demande pas l’ouverture d’une procédure collective dans les 45 jours de la cessation des paiements
- Le dirigeant social risque des sanctions pécuniaires ; ne pas déposer le bilan est une faute de gestion. Si le tribunal estime que par son omission ou son retard de déclaration le gérant a contribué aux difficultés de la société, il peut parfaitement « décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par (…) les dirigeants » (art. L. 651-2, al. 1 du Code de commerce) ;
- Tout dirigeant social qui aura « omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements » encourt en outre le prononcé d’une interdiction de gérer (art. L. 653-8, al. 3 du Code de commerce).
Cette interdiction de gérer emporte des conséquences plus ou moins sévères. Les magistrats disposent en effet en la matière d’une grande marge d’appréciation. Dans les cas les plus graves, le tribunal peut ainsi prononcer une interdiction de diriger, gérer, administrer ou de prendre le contrôle directement ou indirectement de toute entreprise commerciale, artisanale, agricole et de toute personne morale.
Désormais, seule une omission volontaire entraîne la sanction du gérant
L’article 239 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite Loi « Macron » a introduit, pour le prononcé de la sanction personnelle de l’interdiction de gérer, une condition supplémentaire restrictive.
L’omission de demander l’ouverture d’une procédure collective dans les 45 jours de la cessation des paiements doit être volontaire. Mais dans quels cas les juges considèrent-ils que le dirigeant a omis volontairement de déclarer les difficultés de sa société ?
Illustration de la réforme dans une décision récente
La Cour d’appel de Besançon a rendu le 4 mai 2016 une décision dans laquelle elle fait application de ce nouveau texte en démontrant le caractère volontaire de l’omission par le gérant de satisfaire à son obligation légale.
Un gérant de restaurant est placé en 1998 en redressement judiciaire puis en 2001 en liquidation judiciaire. Cette même année, le gérant est condamné à la faillite personnelle pour 10 ans et radié du Registre du Commerce et des Sociétés. Ces condamnations n’ont pas pour autant découragé le restaurateur, à l’encontre duquel est ouverte en 2013 une nouvelle procédure de liquidation judiciaire. Après ces péripéties judiciaires, il est à nouveau condamné en 2015 à une interdiction de gérer pour une durée de 5 ans. Les juges du tribunal de commerce l’ont condamné car il a omis de faire sa déclaration dans les 45 jours de la cessation des paiements.
Le gérant fait appel en vain : la Cour d’appel estime que les juges de première instance ont sanctionné à juste titre le gérant.
Condamnation du gérant qui a volontairement omis de déposer le bilan
La Cour rappelle le passé de gestionnaire pour le moins mouvementé du gérant. Elle mentionne de surcroit que le gérant a pris conseil auprès d’un juriste et qu’il a pourtant encore tardé à remettre son bilan.
La Cour d’appel profite de l’occasion pour rappeler que l’exigence du caractère volontaire de l’omission introduite par la loi dite « Macron » est d’application immédiate, de sorte que celle-ci s’applique aux procédures en cours quand bien même les faits reprochés seraient antérieurs à 2015.
Pour la Cour, le gérant « était parfaitement informé des obligations incombant à un commerçant en état de cessation des paiements ». Il a donc « sciemment tardé à en effectuer la déclaration » : Mauvais gestionnaire, habitué des tribunaux de commerce, peu soucieux de tenir compte des conseils d’un juriste, ce gérant peu diligent ne pouvait pas ignorer ses obligations.
Les dirigeants simplement négligents avec l’évolution de leur trésorerie bénéficient ainsi de cette évolution. Une faveur toute relative, car ils encourent toujours après la Loi Macron de lourdes sanctions pécuniaires en cas d’engagement de leur responsabilité dans le cadre d’une action en insuffisance d’actif.
Cette réforme apporte une certaine sécurité au dirigeant qui ignore dans la plupart des cas la date à laquelle sera fixée la cessation des paiements. L’idée qui anime le législateur est d’accorder une deuxième chance au dirigeant de bonne foi. Dans ce sens, une réforme de la responsabilité du dirigeant dans le cadre de l’action en insuffisance d’actif a aussi eu lieu.
Cette réforme signifie pour le liquidateur judiciaire qu’établir l’élément intentionnel d’une faute par omission peut s’avérer très compliqué.
Françoise Berton, avocat en droit allemand
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