L’expéditeur a seul la charge de preuve de la réception d’un courriel

23.03.22  
Preuve de la réception d'un e-mail pour in délai
L’expéditeur a seul la charge de preuve de la réception d’un courriel
Preuve de la réception d'un e-mail pour in délai

La question de savoir si et quand exactement un courriel est parvenu au destinataire joue régulièrement un rôle crucial, comme par exemple pour le calcul d’un délai. Car, selon le code civil allemand (Bürgerliches Gesetzbuch, en abrégé BGB) une déclaration de volonté (par exemple une offre de conclure ou une décision de licenciement) faite auprès d’une personne absente ne prend effet qu’au moment où elle parvient à son destinataire. En droit allemand, une déclaration de volonté doit être accessible au destinataire pour qu’il puisse en prendre connaissance. Ainsi, un courriel parvient lorsqu’il arrive dans la boîte de courriel du destinataire.  Mais que faire si le destinataire conteste la réception du courriel envoyé ? Dans sa décision du 11 janvier 2022 (4 Sa 315/21), le tribunal supérieur du travail de Cologne a répondu clairement à la question comment et par qui la réception doit être prouvée selon le droit allemand.

La compagnie aérienne a-t-elle proposé un poste au pilote par courriel à temps ?

Une compagnie aérienne et un pilote étaient en litige concernant le fait si le pilote avait à rembourser des frais de formation à la compagnie aérienne. La compagnie aérienne avait financé la formation en consentant un prêt au pilote. Le contrat de prêt prévoyait que la compagnie aérienne renoncerait au remboursement du prêt pour le cas où elle ne proposerait pas de contrat de travail au pilote ayant terminé sa formation dans les cinq années suivant la fin de la formation. Le pilote a terminé sa formation le 26 octobre 2013. Le délai pour la présentation d’un contrat de travail prenait donc fin le 26 octobre 2018. Par courrier du 25 octobre 2018, que le pilote a reçu par la poste le 27 octobre 2018, la compagnie aérienne lui a proposé un poste. La question demeure de savoir si le pilote avait déjà reçu un courriel par la compagnie aérienne le 25 octobre 2018 contenant une proposition de poste, comme cette dernière l’affirmait. La compagnie aérienne supposait cela et commençait à retenir des montants mensuels de la rémunération du pilote pour le remboursement du prêt. Le pilote n’était pas d’accord. Il indiquait n’avoir reçu un courriel que le 28 octobre 2018. De son point de vue, la compagnie aérienne avait renoncé au remboursement parce qu’elle ne lui avait pas soumis de proposition dans le délai de cinq ans.

Une simple affirmation d’un envoi de courriel ne suffit pas pour le conseil de prud’hommes

Le pilote se défendait contre la demande de remboursement du prêt de la compagnie aérienne devant le tribunal. Dans sa décision du 18 mars 2021 (6 Ca 5660/20), le conseil de prud’hommes de Cologne a donné raison au pilote. Du point de vue du conseil de prud’hommes allemand, la compagnie aérienne devait des explications plus précises. Les raisons pour lesquelles deux courriels identiques ont dû être envoyés le 25 et 28 mars n’étaient pas claires.

Erreur de système du compte de messagerie, consultation tardive ou manipulation

La compagnie aérienne a fait appel contre la décision du conseil de prud’hommes de Cologne et a saisi le tribunal supérieur du travail de la même ville. Elle exposait désormais avoir envoyé un courriel seulement le 25 octobre 2018 et non le 28 octobre 2018. Cela ressortait selon son affirmation de boîte d’envoi du compte de courriel de la personne en charge du dossier. La compagnie aérienne supputait une erreur de système du compte de courriel du pilote ou une consultation tardive voire même une manipulation par le pilote.

Pas d’allégement de la charge de la preuve en faveur de l’expéditeur

La cour d’appel a toutefois confirmé la décision rendue en première instance. Elle a rappelé l’existence de deux opinions concernant la question de la réception de courriels ainsi que de leur preuve :

  • L’une dit qu’une preuve fondée sur l’apparence s’appliquerait en faveur de l’expéditeur. Cela signifie qu’il y a un allégement de preuve pour l’expéditeur, car il convient de toujours partir du principe de la réception du courriel, sauf en cas de réception d’un message d’erreur « destinataire introuvable » ;
  • L’autre opinion dit que la réception du courriel serait à argumenter et prouver par l’expéditeur. L’envoi en soi ne constitue donc pas de preuve fondée sur l’apparencepour la réception par le destinataire.

La cour d’appel s’est prononcée en faveur du deuxième avis. Elle a fondé sa décision sur le fait que la réception du courriel sur le serveur du destinataire n’est pas certaine et que ce risque ne peut pas être supporté par le destinataire, d’autant plus que l’expéditeur a la possibilité de demander un accusé de lecture. L’expéditeur porte ainsi l’entière charge de la preuve pour le réception du courriel par le destinataire. La décision est définitive, car la cour d’appel a déclaré le pourvoi en cassation à la cour fédérale du travail allemande non recevable.

Le respect des délais est un chemin semé d’embûches, du calcul du dernier jour d’un délai tombant un week-end à la solution de problèmes de preuve pour la réception en passant par le respect de la forme du courrier. Notamment pour l’envoi de courriels, il convient de veiller à pouvoir prouver la réception de ces courriels d’un point de vue à la fois juridique et technique.

Françoise Berton, avocat en droit allemand

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Photo: Song_about_summer

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